Revista de Ciências Sociais, v. 50, n. 2, 2019.

 

 

Dynamiques de mutations des règles du jeu politique dans des États d’Afrique de l’Ouest francophone :
quelques contraintes et perspectives

 

Cheik Daniel Kere
Université Ouaga II, Burkina Faso
bourbila.dany@gmail.com

 

Introduction

Il existe, au sein des regroupements humains, des principes et mécanismes qui encadrent les jeux politiques (Bailey 1971). Ceci est également vrai en Afrique, et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest francophone. Comment le pouvoir se conquiert ou se conserve, bref comment doivent – ou devraient – se dérouler les luttes politiques, ces processus sont relativement encadrés. Dans cet article, nous présentons une perspective de recherche sur les dynamiques profondes qui traversent l’arène politique – et plus particulièrement en ce qui concerne le champ de luttes politiques – dans les pays africains qui semblent présenter des similarités sociales et politiques.

Comment appréhender ces dynamiques de mutations ? Une telle interrogation pose d’énormes difficultés, du fait principalement de l’immensité de la question : l’Afrique est un continent avec plusieurs réalités sociales, politiques et économiques. De toute évidence, on ne saurait avoir une analyse identique pour ces zones disparates. Ensuite, le champ politique est assez vaste et peut englober des aspects comme le rapport institutionnel, les luttes de pouvoir, etc. Il semble assez pratique des restreindre très drastiquement le champ de cette étude pour le ramener à des proportions raisonnable, dans le cadre d’un article. L’aire géographique sera ainsi circonscrite à une partie de l’Afrique sub-saharienne, notamment l’Afrique de l’Ouest francophone, zone que nous connaissons un peu mieux. Et même là, seuls quelques pays qui nous semblent présenter des réalités assez proches sont concernés. Il s’agit notamment, du Burkina, Mali, Côte d’Ivoire, Sénégal et Togo. Ensuite, le champ politique en question serait son volet relatif aux luttes de pouvoir, notamment les rivalités pour le contrôle du pouvoir d’État.

Plus précisément, en Afrique de l’Ouest francophone, quelles pourraient être les perspectives d’évolution de la configuration des luttes pour le pouvoir d’État ? Plus exactement, quelles pourraient être les variables majeures dans le moyen et long terme qui puissent influencer ces rivalités politiques ?

Quoique circonscrit, la perspective de recherche n’en demeure pas moins complexe. Plusieurs variables interfèrent dans les luttes pour le pouvoir d’État et il semble assez logique de les passer en revue et effectuer des simulations à travers des combinaisons pour pouvoir présenter les résultats possibles par rapport à ces perspectives d’évolutions. Un tel exercice, même s’il présente un intérêt certain d’une bonne approche méthodologique, paraît très fastidieux et très difficile à réaliser. En effet, la problématique d’inter-connexions entre les variables relève plus d’un exercice de physique quantique que d’une analyse politologique des données !

Les analyses prospectives sont difficiles par nature, très aléatoires. Pour se projeter dans le futur, il faut baser ses analyses sur des données, lesquelles peuvent être modifiées, ou non, pour certaines d’entre elles. Les facteurs modificateurs peuvent être connus, parfois en partie, mais leurs évolutions possibles peuvent être évasives. En effet, de futures combinaisons seraient possibles entre plusieurs facteurs et à plusieurs degrés, lesquelles sont basées, par principe, sur la conjecture, et donc difficiles à définir dans tous ses contours dans le présent.

Dans un exercice similaire, Jean François Bayart et d’autres ont tenté de présenter le visage politique de l’Afrique, cent ans après l’indépendance. Dès l’entame de leur travail, les auteurs ont eux-mêmes souligné les difficultés de cet exercice. Cette précaution sera utile pour l’avenir de leurs conclusions car plusieurs projections ont déjà été dévaluées, seulement quelques années après la publication de leur article. Parmi les sept hypothèses de développements futurs sur le continent que ces auteurs présentaient, nous pouvions lire :

« Quelles que soient ses expressions institutionnelles ou politiques, la tendance sera de maintenir les « situations autoritaires » issues de la « situation coloniale » au moment de l’indépendance. Aujourd’hui, l’institutionnalisation de présidences à vie ou indéfiniment renouvelables (comme en Tunisie, au Cameroun, au Zimbabwe), les successions présidentielles familiales (comme en RDC, au Togo, au Gabon) ou les préparatifs politiques de transitions (Libye, Burkina Faso, Sénégal), la création de gouvernements de coalition ou d’unité nationale comme substituts de l’alternance (comme au Kenya, au Zimbabwe, en Côte d’Ivoire) sont des symptômes ou des prodromes de cette évolution » (Bayart, Hibou et Samuel 2010).

Si, dans certains cas, les hypothèses retenues semblent toujours valables, la situation est différente pour les cas tunisien, libyen, burkinabé et sénégalais, qui semblent s’être écartés partiellement ou totalement de ces prévisions. Les régimes au pouvoir dans ces pays ont été balayés en seulement quatre ans, entre 2011 et 2014. La rapidité de ces bouleversements a surpris plus d’un observateur ! Ces nouvelles situations présentent des caractéristiques spécifiques d’une zone à l’autre. Bien sûr, l’hypothèse d’une restauration autoritaire n’est pas à exclure, si l’on considère le chaos observé dans certains pays après la chute des régimes autoritaires. Cependant, des évolutions concrètes sont de plus en plus perceptibles dans des pays comme le Burkina Faso et la perspective d’une succession dynastique semble de plus en plus difficile au Sénégal, après l’échec du projet de « ticket présidentiel » sous le régime du président Wade1.

L’échec des approches prospectives de ces situations est loin d’être anecdotique. Ces cas imprévus pourraient conduire à l’effondrement de toutes les autres prévisions, en supposant que des conditions inattendues ou imprévisibles puissent être répétées dans toute l’Afrique et en même temps dévaluer toutes les analyses sur les hypothèses futures concernant le continent africain.

Nous apprenons beaucoup des faiblesses des travaux prospectifs précédents. Pour notre part, nous choisissons comme approche de nous baser sur des données macroéconomiques plus larges qui sont inscrites de façon assez durable dans le temps. Celles-ci incluent des données sur la démographie et ce qu’elle implique en termes de gouvernance sociale, économique et politique. La transition démographique semble représenter une perspective un peu lointaine pour les États d’Afrique de l’Ouest francophone, au regard des conditions nécessaires à son avènement (Chesnais 1986). Ce facteur démographique est également corrélé avec d’autres éléments tels que les changements dans le niveau d’instruction et l’augmentation des canaux de communication dans les États africains. Considérer ces variables importantes nous semble pouvoir éviter, autant que possible, les biais liés à une analyse prospective, comme nous l’avons vu dans certains travaux. Dans cet article, nous essayons de présenter quelques hypothèses sur les perspectives d’évolution des règles politiques dans les États africains, basées sur la pression démographique et les différentes situations qu’elle implique (Kere 2015).

Nous avons décidé d’effectuer un choix, parmi les variables, pour retenir celle qui nous semble importante, à un double point de vue, à la fois comme variable pouvant être appréhendée comme objet de stratégies ou auteur même de ces stratégies. Les jeunes constituent une donnée majeure dans les luttes pour le pouvoir d’État dans les États d’Afrique de l’Ouest francophone. Nous optons pour l’approche démographique de la jeunesse : les jeunes sont ceux qui ont entre 18 et 35 ans, conformément à la charte de l’union africaine sur les jeunes2. Cette composante démographique peut être l’objet de jeu de stratégies, tout comme elle pourrait en être un des acteurs dans ce jeu. Nous ne prétendons pas que les jeunes constituent une composante sociale homogène. Toutefois, leur groupe social en tant que tel présente une spécificité, liée à l’âge et aux effets de cycle de vie (Braungart et Braungart 1989).

Des travaux antérieurs présentent le rapport des jeunes à la classe politique, qui semble être assez distendu de nos jours, avec un déclin de leur engagement politique (Bonneval 2011). Plusieurs raisons concourent à expliquer cette situation, comme les conditions de vie difficile, le statut de scolaire ou la désillusion à l’égard du jeu politique (Antoine, Razafindrakoto et Roubaud 2001 ; Mazzoccheti 2006). Parfois, les jeunes s’investissent dans des activités politiques marginales (Kieffer 2006). Mais de nombreux travaux présentent les jeunes africains sous l’angle de leur impact négatif sur le processus démocratique, du fait notamment de leur rapport à la violence (Genné 1991 ; Bazenguissa-Ganga et Yengo 1999 ; Dacher 2003 ; Beauchemin 2005 ; Babo 2008). Ces observations semblent également valables pour les jeunes d’autres parties du monde. Comme le souligne Jorge Benedicto, « the conception of uninterested and passive young people in terms of their relation to politics has become predominant in the social discourse, as far as becoming one of hallmarks of today’s youth identities. This perception sometimes seems unanimous among the public opinion, and also has its counterpart in the field of academic researches, where analyses about disaffection and lack of interest of the young people or about their low readiness to participate in political life in democratic societies by using the instruments designed in order to fulfil that task are predominant » (Benedicto 2008). Martha Wörsching parvient également à un constat d’une situation semblable à celle des jeunes africains, en ce qui concerne la perception du rapport de jeunes européens, britanniques en particulier, à la politique et à la société : « in mainstream media discourses in Britain today, children and young people are often depicted as a highly problematic and socially disruptive group. There is a widespread moral panic about the young who appear in headlines mainly in the context of violent street crime, binge-drinking, drug-taking, teenage pregnancy and homelessness » (Wörsching 2008).

Ces recherches exposent la situation politique des jeunes – africains, pour le cas de cette analyse – qui présenteraient certaines caractéristiques. Elles sont très utiles pour dégager dans le bouillon du jeu politique, les rôles et positionnements possibles des différentes couches sociales, en l’occurrence les jeunes, qui nous intéresse dans le cas d’espèce. Nous nous proposons d’aller bien au-delà pour un travail beaucoup plus poussé – et hautement plus périlleux – pour prospecter l’influence possible de cette frange sociale dans le champ politique dans le moyen ou long terme.

En effet, il est assez courant de voir l’Afrique présentée comme un continent jeune, au regard de la moyenne d’âge de sa population. Par extension, il pourrait sembler tout aussi logique de parler de continent où la classe politique serait jeune ! La discontinuité dans cette logique d’expression semble révéler le paradoxe du champ politique des États africains. Nous partons du postulat que cette imposante masse démographique – que représentent les jeunes – ne pourrait n’exercer aucune influence sur le champ politique des États africains. À l’évidence ce postulat semble paradoxal car si les jeunes influençaient le jeu politique, sa configuration aurait pu être toute autre. Pour nous, il existe des inter-actions entre les jeunes et le champ politique. Dans cette logique, la frange jeune est façonnée par le jeu politique, mais en retour, elle pourrait modifier ce jeu politique. Au regard des dynamiques profondes, notamment le renforcement du niveau d’instruction, le développement des canaux de communication, les problèmes d’emplois, tous ces facteurs inter-agissent pour produire des effets dans le champ politique des États en Afrique.

Pour ce travail, il nous semble donc important de nous focaliser sur les dynamiques dans le champ politique qui pour nous sont caractérisées par des relations de domination, pour être dominants ou pour contrebalancer ou même inverser la domination. Bourdieu appréhende les champs sociaux comme une « lutte entre les dominants et les dominés ». Le premier groupe utilise des « stratégies de conservation », le second des « stratégies de subversion – celles d’hérésie » (Bourdieu 1980, cité par Roth 2010) pour défier l’ordre établi. Chaque groupe de participants lutte pour maintenir ou modifier l’équilibre des forces. Le champ social est un lieu de luttes entre les dominants, d’une part, et d’autre part entre les dominants et les groupes dominés. En général, nous pouvons dire que les luttes politiques impliquent des institutions et nous sommes d’accord avec l’approche de Hall et Taylor qui intègrent dance ce concept « les procédures, les protocoles, les normes, les conventions formelles et informelles inhérentes à la structure organisationnelle de l’économie politique ou politique, qui peuvent concerner les règles d’un ordre constitutionnel ou les procédures de fonctionnement habituelles d’une administration » (Hall et Taylor 1996, cité par Freymond 2003). Cette définition est très large et est considérée comme institutions, à la fois des normes et des procédures formelles comme celles qui peuvent constituer des valeurs informelles, des principes, des traditions, produisant des effets dans le champ politique (Steinmo et Thelen 1992, cité par Freymond 2003).

Ce cadrage théorique nous semble utile pour cette étude. La variable démographique pourrait tout aussi concerner d’autres franges sociales, notamment des personnes plus âgées ou les femmes uniquement. Sous l’angle des mécanismes de domination, on pourrait ainsi faire ressortir les positionnements et rapports que ces sous-groupes entretiennent.

Pour présenter notre analyse sur l’impact de la variable démographique dans le champ politique, nous procéderons tout d’abord à un exposé sur les contraints fondamentales qui pèsent sur les règles politiques et les acteurs politiques classiques (I). Dans une seconde partie, nous essayerons de présenter quelques hypothèses sur les perspectives d’évolution des règles du jeu politique (II).

Quelques contraintes fondamentales sur les règles politiques et sur l’influence des leaders politiques classiques

Deux facteurs nous semblent très importants : il s’agit du poids démographique croissant des jeunes et de la crise du système représentatif. Ces deux facteurs interagissent pour modifier des règles du jeu politique dans des États de l’Afrique de l’Ouest francophone.

Le poids croissant de la jeunesse africaine dans le champ politique

Les jeunes constituent une imposante force démographique. S’ils ne parviennent pas à s’imposer dans le champ politique, cela procède de nombreuses contraintes qui entravent leur émancipation politique. Cette situation est encore renforcée par une longue domination de la génération précédente dans le champ politique en Afrique de l’Ouest francophone.

Les jeunes, une force démographique

Les jeunes constituent un poids démographique imposant dans les États d’Afrique de l’Ouest francophone. Tout travail prospectif sur le jeu politique qui marginalise le poids croissant de cette variable dans le champ politique pourrait présenter des biais substantiels. Les jeunes constituent une composante importante de la population africaine. Si l’on se réfère à la charte de l’Union africaine sur la jeunesse, le groupe des jeunes est constitué de toutes les personnes âgées de 15 à 35 ans. Cette approche des jeunes est largement adoptée dans les législations nationales, à travers le continent. Les personnes de cette catégorie sociale sont en nombre plus important que les autres groupes d’âge en Afrique subsaharienne. Ci-dessous un tableau illustratif :

Tableau 1: Âge de la population de quelques pays en Afrique de l'Ouest francophone
Pays
Code Total Burkina Côte Mali Senegal Togo
réponse Faso d´Ivoire
18-29 25.5% 22.2% 27.0% 23.5% 28.3% 26.4%
26-35 28.5% 31.3% 30.8% 24.2% 25.6% 30.8%
36-45 19.7% 19.6% 20.1% 20.9% 18.6% 19.3%
46-55 13.8% 14.8% 13.5% 14.5% 13.1% 13.3%
56 et plus 12.5% 12.1% 8.6% 16.9% 14.4% 10.2%
Ne sais pas 0.0% -- 0.1% -- -- 0.1%
Moyenne 37.1 37.5 35.3 39.3 37.4 36.2
Source: afrobarometer.org.


Figure 1: Sub-Saharan Africa, population 2016: 988.088.000
Source: populationpyramid.net.

Selon des projections des Nations unies, la population de l’Afrique aura doublé d’ici 2050 pour atteindre deux milliards d’habitants et représenter 22% de la population mondiale (contre 15% actuellement) et 27% des effectifs auront moins de 15 ans (United Nations 2009). Pour Patrice Vimard et Raïmi Fassassi « dans la mesure où les groupes en âge reproductif continueront longtemps de représenter une part importante de la population et du fait de la relative inertie des phénomènes démographiques, la croissance démographique restera élevée et la pyramide des âges demeurera jeune pendant une grande partie de ce siècle » (Vimard et Fassassi 2011).

L’Afrique subsaharienne se caractérise donc par une grande jeunesse de sa population. Ce qui pose des défis sociaux, économiques et politiques. En ce qui concerne ce dernier point, la principale caractéristique des jeunes dans le domaine politique est la volatilité de leurs attitudes et comportements politiques (Muxel 2002). Leur relation au champ politique soulève parfois des inquiétudes quant à leur propension pour les formes de protestation et d’action politique, à l’imprévisibilité de leurs choix électoraux ou encore à leur inscription massive dans le registre de l’abstentionnisme électoral. Cette analyse procède des travaux qui soulignent les effets de cycle de vie sur les jeunes, qui se caractérisent notamment par leur fougue. Ces travaux, combinés à d’autres valident ce schéma (Braungart et Braungart 1989 ; Muxel 2007). En effet, les études sur le cycle de vie montrent que ce groupe d’âge est plein d’enthousiasme et de soif de changement. En outre, les jeunes commencent à s’impliquer dans le domaine politique, ce qui augure d’une phase de tests et de tâtonnements (Braungart et Braungart 1989).

La nouvelle caractéristique de ces jeunes réside dans le fait qu’ils ont été formatés dans un contexte spécifique de socialisation. La jeunesse de l’Afrique francophone en particulier a été marquée par l’élévation du niveau d’éducation et un contexte contestataire suite à la crise de l’État-providence en Afrique subsaharienne au début des années 1980. Une jeunesse avec un haut niveau d’éducation et formatée dans un cadre de protestation semble constituer une source potentielle de défi pour l’ordre établi, cumulativement en raison de leur poids démographique et aussi dans l’hypothèse d’une incapacité des leaders politiques à fournir des réponses adéquates dans les domaines économique, social et politique.

Par conséquent, si la variable du poids politique croissant des jeunes dans le champ politique en Afrique subsaharienne n’est pas prise en compte, toute tentative d’approche de l’évolution politique future de cette partie du continent nous semble d’emblée compromise.

Les contraintes sur la représentativité politique des jeunes

Le cadre des luttes pour le pouvoir d’État semble être prohibitif pour les jeunes. À propos de ce cadre des luttes politiques, les déterminants liés aux ressources sociales, politiques et économiques méritent une analyse particulière (Wantchékon 2003).

Les ressources sociales sont des éléments importants dans les luttes pour le pouvoir. Elles intègrent un réseau de contacts sociaux, en particulier des liens avec des références sociales clés telles que la chefferie coutumière, les leaders religieux et les leaders d’opinion. En d’autres termes, la prédisposition à la domination dans la vie politique exige une bonne base dans ces réseaux. Les mécanismes de l’ascension politique dans ces cercles sociaux influents sont liés à la préséance dans l’autorité et l’âge. Par exemple, au niveau des autorités coutumières, il y a une hiérarchie et l’autorité supérieure a préséance sur les autres. En effet, l’aînesse est une conquête, un processus qui requiert plusieurs éléments (Meillassoux 1994). Les aînés de cette catégorie dominante, en termes de positionnement politique, l’emportent sur les autres. Le choix au niveau des groupes subalternes et subséquemment des jeunes dépend de l’absence des aînés ou de leur défection au niveau des catégories supérieures.

Cette double contrainte n’est pas favorable aux jeunes qui n’ont pas le privilège d’être promus en politique ou de bénéficier du soutien de ces catégories, sauf seulement dans quelques circonstances exceptionnelles. Les personnalités investies de l’autorité traditionnelle sont souvent dans l’arrière-cour du champ politique. Dans certaines situations, les chefs coutumiers restent en arrière-plan et parrainent la personnalité de leur préférence. Il convient toutefois de souligner que ce groupe de chefs coutumiers n’est pas homogène et qu’il existe des approches divergentes du jeu politique entre ses composantes. Les mêmes analyses semblent prévaloir avec les autorités religieuses. Leur influence semble s’affaiblir davantage qu’auparavant, notamment au début de l’accession à l’indépendance des États de l’Afrique de l’Ouest3. Mais leurs influences politiques ne peuvent être négligées, car elles constituent des leaders majeurs pour la stabilité du champ politique, dans le contexte contemporain où leur autorité morale est encore répandue.

Un autre déterminant qui influence le champ politique ouest-africain est le pouvoir économique et financier (Goethals, Vincent et Wunderle 2013). Dans le contexte contemporain, l’influence des leaders des groupes économiques et financiers est très importante. Dans la configuration du champ politique en Afrique de l’Ouest, la vie politique est principalement animée par des partis et des groupes politiques. Leurs mécanismes de fonctionnement impliquent des ressources financières considérables. En effet, un parti politique est une institution qui doit être maintenue et qui nécessite des ressources importantes pour participer à la vie politique, dans une période ordinaire, au cours d’une pré-campagne ou lors d’une campagne électorale. La mobilisation de ces ressources implique un soutien important des milieux économiques et financiers, compte tenu de la faiblesse des contributions des militants et sympathisants. Les contacts dans ces environnements peuvent être tributaires d’un parcours personnel, dans l’hypothèse d’une personne qui aurait été un leader important dans ce groupe, ou procédant de sa proximité sociale ou de ses réseaux. Cependant, ces conditions ne sont pas à l’avantage des jeunes qui viennent de débuter dans les domaines économique et financier et ne peuvent alors, à cet âge, capitaliser des contacts suffisants dans le but de bénéficier des soutiens importants des milieux économiques et financiers. Une autre alternative existe si les jeunes ont un accès sûr dans ces environnements liés à leurs origines sociales ou s’ils obtiennent le soutien de ces réseaux par un concours de circonstances.

En toute logique, pour les jeunes, recevoir des soutiens de ces milieux procède des contingences. Comme pour les autorités coutumières et religieuses, nous soulignons ici que le soutien de ces milieux économiques et financiers ne peut à lui seul déterminer le succès des luttes politiques, dans le contexte ouest-africain. Cependant, l’influence des leaders dans ces cercles ne peut être sous-estimée, du fait notamment de la faiblesse du système de régulation ou de limitation du financement privé des activités de partis et formations politiques.

Lorsque nous cumulons les déterminants que nous venons de présenter, à savoir l’influence des autorités coutumières et religieuses et celle des instances économiques et financières, nous pouvons réaliser que le cadre du jeu politique ne peut présenter qu’un très faible avantage pour les jeunes. Étant donné que les conditions de perpétuation de la domination de certaines catégories et des séniors sont très importantes dans ces milieux. Concrètement, il est assez difficile pour un jeune d’obtenir cumulativement le soutien des leaders d’opinion, des autorités coutumières et religieuses et des groupes économico-financiers. Pour ces raisons, la classe politique ouest-africaine souffre non seulement de la faiblesse de son renouvellement mais aussi du très faible rajeunissement de ses acteurs.

Une longue domination d’une génération dans le champ politique

Le champ politique ouest-africain est toujours caractérisé par ce qui peut être présenté comme une longue domination d’une génération politique. Nous utilisons le concept de génération, même s’il y a des controverses sur son approche (Braungart et Braungart 1989), notamment à quel moment peut-on parler de l’existence ou non d’une génération, etc. Dans notre cas, ce concept peut nous aider à faire la distinction entre de nombreux groupes sociaux, relativement à leur âge. Suivant les travaux des Braungart, lorsqu’on applique l’analyse sur la base des critères de cohortes générationnelles qui intègrent l’âge et le comportement collectif, on peut dire que dans l’histoire politique postcoloniale de l’Afrique de l’Ouest, on connait essentiellement trois séquences, en termes de relation des jeunes à la vie politique.

La première phase concerne le début de l’indépendance lorsque la classe politique des États d’Afrique de l’Ouest était assez jeune, liée à la moyenne des âges des dirigeants4. En effet, ces jeunes formés dans les écoles coloniales ont succédé aux colonisateurs dans un contexte d’une faiblesse du nombre d’adultes compétents. Le contexte de l’indépendance était favorable à cette situation, étant donné que les dirigeants coloniaux étaient sur le départ et dans le domaine politique, les autorités traditionnelles étaient affaiblies5.

Cette jeune génération a dominé le champ politique jusqu’à la crise de l’État providence au début des années 1980. On ne peut soutenir que la domination du champ politique était une dynamique tranquille. Car entre les dirigeants de cette première génération post-indépendance, les luttes pour le contrôle du pouvoir politique étaient vivaces. Excepté le cas de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, pratiquement dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest, il y a eu des réarrangements entre les membres de cette génération, dû à des coups d’États, des soulèvements populaires et d’autres troubles politiques. La première génération politique post-indépendance a dominé le champ politique jusqu’à la crise de l’État-providence dans les années 80. La crise des matières premières a affaibli les économies d’Afrique de l’Ouest et par la suite les États. Cette crise a provoqué des troubles politiques et au même moment une nouvelle génération politique émergeait, formée après l’accession à l’indépendance. Les tensions entre cette nouvelle génération et la précédente ont conduit, dans certains cas, à une reconfiguration complète du champ politique, comme ce fut le cas au Burkina Faso6. Parfois à de simples réajustements dans la plupart des autres pays d’Afrique de l’Ouest où la génération de l’indépendance a pu se maintenir au pouvoir. Mais dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest, la première génération politique post-indépendance a progressivement été remplacée par la seconde durant les décennies 80 et 90.

Cette deuxième génération politique a dirigé les États de ces pays d’Afrique de l’Ouest depuis les décennies 80 et 90 jusqu’à maintenant. Comme avec la première génération, il y a des rivalités entre ses membres. Tout comme la première, ils ont parfois recours à des jeunes dans leurs luttes pour le pouvoir. Les jeunes élèves et étudiants ont joué – et jouent toujours – un grand rôle dans les luttes politiques. Mais depuis la crise de l’État-providence, les mécanismes d’inclusion politique et économique des nouvelles générations se sont affaiblis. En d’autres termes, les opportunités d’entrer dans les domaines politique et économique pour les jeunes sont très difficiles, depuis le milieu des années 80, avec la crise de l’État-providence7. Cette situation peut expliquer cette longue domination de la deuxième génération qui continuera encore à diriger les États d’Afrique de l’Ouest pendant environ une décennie. Mais une nouvelle génération politique émerge maintenant dans un contexte spécifique.

En effet, la troisième phase de l’histoire politique des pays d’Afrique de l’Ouest est la période qui suit la crise de l’État-providence. La crise de l’État providence dans cette partie de l’Afrique remonte au milieu des années 80 avec la crise des matières premières (Vincent 1979 ; Rosanvallon 1981 ; Lipietz 1983) jusqu’au début des années 2000. Elle est caractérisée par le renforcement de la crise dans les États de l’Afrique de l’Ouest liée aux défis de la gouvernance et la faiblesse des mécanismes d’inclusion socio-politique et économique de la troisième génération politique. Paradoxalement, cette situation est plus favorable à la seconde génération politique. En effet, une autre catégorie de jeunes a émergé depuis la fin des années 90. Cette frange des jeunes est celle qui a connu les politiques d’ajustements structurels, les mouvements protestataires qui en ont résulté et la vague de libéralisation des canaux de communication. Cet ensemble de facteurs contribue à forger des traits qui particularisent cette catégorie, au regard de ses conditions socio-économiques. C’est en ce sens qu’on peut parler de l’émergence d’une troisième génération politique qui semble de plus en plus s’inscrire dans une logique contestataire de la longue domination politique de la seconde génération politique. Longue domination, qui en rappel, est favorisée par la faiblesse des mécanismes d’inclusion de la nouvelle génération.

Comme nous le montrerons plus loin, la faiblesse de l’inclusion politique conduit cette nouvelle génération politique à développer de nouveaux procédés d’expressions et d’actions politiques, qui semblent défier le système politique actuel.

La crise du système politique représentatif

Aujourd’hui, cette question devient de plus en plus aiguë. À travers cette crise se pose principalement la crise du mode de gouvernance des États. Le système de gouvernance est-il capable de prendre en compte la dynamique forte par rapport à l’évolution des sociétés actuelles ? La crise de ce système prend plusieurs formes (Chevalier 2003). Un auteur relevait que « aujourd’hui nous vivons l’épuisement de la confiance dans les institutions, l’impuissance d’un État encore omniprésent, le règne de la méfiance et le triomphe du populisme » (Dubet 2014).

Cette crise du système représentatif concerne plusieurs États, dans le monde. Le format du système représentatif actuel est décrié par certaines composantes sociopolitiques. Nous citerons quelques cas comme ceux du «mouvement des indignés», du «mouvement nuit debout» et plus récemment celui des « gilets jaunes ». Dans le contexte ouest-africain, des mouvements protestataires sont fréquents et sont généralement impulsés par des syndicats, des leaders d’opinion ou même par des groupes informels. De tels mouvements ont conduit à la chute du président Moussa Traoré au Mali en 1991, à la chute du président Blaise Compaoré au Burkina Faso en 2014, à des changements de gouvernements en Guinée Conakry, vers la fin du règne de Lassana Conté au début des années 2000. Le trait commun de ces situations est la crise de confiance qui existe, non seulement envers la classe politique, mais aussi à l’égard du système politique lui-même, tous perçus comme inaptes à intégrer suffisamment les revendications populaires. En ce qui concerne la confiance au système representatif, nous pouvons l’entendre dans ce sens: “fundamentally, political trust can be understood as citizens’ support for political institutions such as government and parliament in the face of uncertainty about or vulnerability to the actions of these institutions” (Van Der Meer 2017). Pour ceux qui présentent ces griefs, ils exhibent un ensemble d’éléments, qui pour eux, illustrent l’incapacité de la classe et du système politique à se réformer suffisamment. Un changement de classe et même de système politique est préconisé dans ces cercles.

La désaffection à l’égard d’une classe et d’un système politique est une réalité constante dans l’histoire des États, chaque partie du monde présentant sa propre spécificité8. Ce qui l’est moins, c’est le niveau de cette méfiance qui va crescendo. Ce niveau élevé semble inconfortable pour la classe politique traditionnelle ainsi que pour le système politique sur lequel elle repose. En effet, la légitimité de la classe politique s’érode progressivement lorsqu’elle perd une part non négligeable de sa crédibilité au sein d’une frange croissante de l’opinion publique. Dans ce contexte, la méfiance peut être latente ou plutôt manifeste lorsque, dans ce dernier cas, des initiatives publiques sont organisées pour défier la classe et / ou le système politique. Ces initiatives peuvent être sporadiques comme le cas du mouvement des “indignés” ou de celui de “nuit debout”. Mais il y a des moments où les mouvements de méfiance s’inscrivent dans une certaine durée. Depuis ses origines, ce mode de gouvernance rencontre l’indifférence voire l’apathie de certaines composantes sociales. À cette situation, qui est consubstantielle à la formation et à l’existence de l’État, il y a actuellement l’impression d’une certaine distance des formations politiques des bases sociales.

Cette crise n’épargne pas les États africains, et notamment ceux de l’Afrique subsaharienne, comme nous l’avons relevé plus haut. Au début des années 1980, la crise de l’État-providence a ébranlé de nombreux pays dans cette partie du continent. Plusieurs décennies plus tard, cette crise s’est aggravée, à la suite d’une conjonction de facteurs, notamment, l’application des programmes d’ajustement structurel, la crise de la gouvernance économique de ces États, mais aussi l’acuité de la crise générationnelle qui procède de la faiblesse des mécanismes d’intégration des nouvelles générations dans le champ sociopolitique. Ces crises peuvent être observées dans les États africains, bien qu’elles varient d’un pays à l’autre. Ces États sont donc confrontés au défi de la résorption de ces crises et divers processus sont utilisés à ces fins.

Ci-dessous deux tableaux illustratifs de cette crise de confiance entre les jeunes et la classe et système politique. Ces données sont tirées de l’enquête afrobaromètre pour la période de 2016 à 2018 et concernent les jeunes de la tranche d’âge allant de 15 à 29 ans inclus9. Dans le premier, nous présentons les proportions de ceux qui ne font pas du tout confiance aux formations politiques de la majorité ou de l’opposition. Ces taux sont respectivement de 27% pour la Côte d’Ivoire, de 31,7% pour le Mali, de 15,6% pour le Niger, de 14,1% pour le Sénégal et de 29,7% pour le Togo. La moyenne pour ces pays est de 36,8%, en ce qui concerne la taille de la population qui ne fait pas du tout confiance aux formations politiques. La variété des taux semble être fortement corrélée avec les spécificités socio-politiques de chaque pays. Les chiffres ne semblent pas non plus très favorables pour ces formations politiques, lorsqu’on regarde les proportions des enquêtés qui les font “un tout petit peu confiance”. Ces chiffres sont respectivement de 24,4% pour la Côte d’Ivoire, de 33,2% pour le Mali, de 26,2% pour le Niger, de 12,2% pour le Sénégal et de 24,1% pour le Togo. Le taux moyen est de 23,7% dans ces pays pour les enquêtés qui font “un tout petit peu confiance” aux diverses formations politiques, avec des variétés également, qui semblent ici aussi être dépendantes des contextes socio-politiques propres aux différents pays. Ces chiffres semblent présenter une situation assez patente de désaffection envers le système politique. Ce qui semble bien distant d’une simple situation d’indifférence, qui en rappel, ne serait pas dangereux pour la pérennisation du système représentatif.

Comme précisé plus haut, les jeunes, un peu partout dans le monde, s’inscrivent assez largement dans ces milieux qui désavouent les systèmes politiques ou qui leur font très peu confiance.

Tableau 2
Pays [Âge=15-29]
Total Côte
d'Ivoire
Mali NigerSénégalTogo
Confiance au parti pouvoir
Pas du tout 27.0% 31.7% 15.6% 14.1% 29.7% 36.8%
Juste un peu 24.4% 33.2% 26.2% 12.2% 24.1% 23.7%
Quelque peu 23.3% 15.7% 35.2% 27.9% 24.0% 18.5%
Beaucoup 23.1% 17.5% 23.0% 43.6% 17.8% 18.7%
Ne sais pas 2.2% 1.8% -- 2.2% 4.4% 2.3%

Confiance aux partis politiques de l'opposition
Pas du tout 33.3% 31.5% 29.1% 22.5% 33.9% 44.0%
Juste un peu 28.4% 38.1% 31.9% 18.5% 26.0% 25.9%
Quelque peu 21.7% 18.7% 26.7% 28.8% 23.1% 15.4%
Beaucoup 14.5% 9.9% 11.9% 27.6% 14.1% 11.9%
Ne sais pas 2.2% 1.9% 0.4% 2.6% 2.9% 2.7%
Source: afrobarometer data.

Dans une autre figure (ci-dessous), nous présentons la structure de la place des jeunes dans le champ politique, avant et après la crise de l’État providence. Dans le premier cas, il était plus facile pour les jeunes d’entrer dans le domaine politique formel. Leurs groupes sociaux ou syndicaux et autres mouvements en cette période pouvaient facilement se déplacer vers les centres politiques, avec la nomination de jeunes leaders dans l’administration d’État, dans les partis politiques. Il n’y avait pratiquement aucune perturbation dans l’évolution sociale et politique. Mais la crise de l’État-providence a brisé cette dynamique et le taux de jeunes qui peuvent intégrer la politique formelle diminue. Les mécanismes d’inclusion sociale et politique sont progressivement affaiblis. Cette situation entraine une constitution et un renforcement, à la marge, de jeunes qui sont pratiquement exclus du système d’intégration social, politique et économique. Elle provoque le renforcement des initiatives politiques et des stratégies des jeunes qui ne peuvent pas migrer aisément dans ce qui peut être présenté comme un champ politique classique. Nous disons champ politique classique parce que le renforcement des initiatives des jeunes semble être loin de ce champ politique. Ce qui tend à créer un espace politique autonome, différent du champ classique qui se caractérise aujourd’hui par la faiblesse de son renouvellement et de son rajeunissement.

Les flèches de couleurs foncées symbolisent l’existence de liens tangibles d’interconnexions. Par contre, les flèches de couleur claires traduisent la fragilité de ces mécanismes.

La couleur assez claire des cages symbolise une certaine homogénéisation des différents groupes, du fait de l’existence de passerelles. Ce qui permet une certaine fluidité de leurs rapports. Par contre, des cages de couleur foncée traduisent le quasi-isolement et le repli des différents groupes qui commencent de plus en plus à se présenter comme étant distinct ou distant des autres.

Figure 2

Au sein des États africains, les dirigeants politiques tentent de corriger cette situation. Dans tous les partis et formations politiques, il existe des structures pour les jeunes au niveau des bureaux exécutifs. Compte tenu du nouveau contexte, certains vont même jusqu’à imposer un quota en faveur de la représentativité des jeunes dans les compétitions politiques. Cependant, la réalité montre que cette situation est loin d’atteindre les résultats attendus, étant donné que la représentativité politique des jeunes reste faible. Ces arrangements au sein des partis politiques et des formations semblent s’appuyer sur des stratégies de réajustement des acteurs politiques traditionnels pour sauvegarder les règles du jeu politique classique et préserver ainsi leur domination dans ce domaine (Kere 2015).

En réalité, les mécanismes d’intégration socio-politique n’ont pas vraiment innové depuis la crise de l’État providence. Ces mécanismes ne semblent pas appropriés dans un contexte de crise du système politique représentatif car les nouveaux défis induisent une forme de gouvernance suffisamment ouverte et participative qui puisse ainsi intégrer les couches politiques émergentes et très effervescentes dans la vie politique des États. La preuve en est que ces mécanismes ne parviennent pas à réduire la propension des jeunes à de nouvelles formes de participation et d’action politiques, comme mentionné ci-dessus.

Quelques perspectives d’évolution des règles politiques dans les pays africains

Ces perspectives se présentent sous deux angles : d’une part nous constatons l’émergence de nouveaux procédés d’expression politique. Ils sont constitués par un faisceau d’éléments de plus en plus consistants. Par ailleurs, on assiste à une sorte de constitution d’une autre forme de terrain politique qui semble différer du champ politique classique.

La production de nouveaux modes de participation politique à travers l’émergence de nouveaux moyens d’expression et d’action politique

Comme nouveaux moyens d’expression politique, nous entendons l’émergence de nouvelles méthodes utilisées par des citoyens diversifiés (Charaudeau 1997) pour exprimer leur opinion dans l’espace public suivant l’approche de Habermas (Habermas 1997). Un profil diversifié des groupes qui peuvent être engagés dans cet espace public soulève plusieurs questions, notamment en ce qui concerne la recherche de visibilité de ces acteurs, processus qui est nécessaire à l’existence même de cet espace public. En effet, pour que cet espace existe, il nécessite des groupes qui s’y affichent et puissent ainsi conduire des actions publiques auprès d’une autorité publique (Arendt 1961). Plusieurs procédés sont utilisés à cet effet. Les technologies de l’information et de la communication connaissent une croissance très rapide en Afrique de l’Ouest. Ces technologies sont très diversifiées et peuvent être regroupées soit en médias classiques (radios, télévisions, journaux) ou dans de nouveaux canaux de communication incluant divers réseaux sociaux grâce à Internet. La vitesse d’expansion de ces canaux de communication est vertigineuse10. Ils pénètrent tous les secteurs de la vie, y compris le champ politique au sein duquel ils servent de canaux d’expression.

Les médias traditionnels et les nouveaux canaux de communication semblent avoir deux profils d’utilisateurs. La première catégorie de médias semble plus être le lieu des professionnels, tandis que la seconde semble être le domaine de préférence du non professionnel. En effet, Internet, par sa structure démocratique (en termes de coût), non hiérarchique, non restrictive et avec un certain anonymat, est l’environnement de prédilection pour les jeunes. Une opinion, quelle qu’elle soit, peut être formulée avec beaucoup plus de liberté, mieux que dans les médias classiques (Dusseaut 2015). Dans sa configuration, l’environnement médiatique en Afrique de l’Ouest semble être dual avec, d’une part, les médias classiques, une place de choix pour les leaders politiques classiques et, d’autre part, les nouveaux canaux d’expression dominés par des acteurs politiques informels. Nous utilisons la distinction entre les acteurs politiques classiques et informels pour situer ceux qui sont institutionnellement constitués comme tels dans les luttes politiques et utilisent les moyens prévus à cet effet (nomination des candidats, campagne électorale, élections, etc.).

En effet, la troisième génération politique, comme indiqué plus haut, est socialisée dans un contexte fortement contestataire (Kere 2015). Ce contexte de socialisation a façonné une génération qui présente une relation particulière au jeu politique. En plus de l’engagement politique commun à toutes les générations, la nouvelle a des moyens d’expression beaucoup plus importants et des actions politiques nouvelles. En plus des médias classiques qui ont crû en nombre et en diversité que cette génération peut utiliser, elle a de nouveaux canaux, beaucoup plus simples, plus rapides et plus difficiles à contrôler par les autorités politiques ouest-africaines (Vedel 2017). À titre illustratif, le tableau ci-dessous présente des chiffres sur la possession de téléphones portables au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Sénégal et au Togo. Ce niveau assez élevé de ceux qui utilisent cet outil va crescendo, au fil des années. Cet outil qui se modernise davantage, en intégrant de plus en plus de nouvelles fonctionnalités, est l’instrument de prédilection des jeunes. Pour de nombreux jeunes africains par exemple, « être connecté est le modèle de vie idéal » (Gado 2008).

Tableau 3: Possession de téléphones portables
Pays
Code Total Burkina Côte Mali Senegal Togo
réponse Faso d´Ivoire
Non 6.7% 8.4% 6.9% 6.3% 3.0% 8.9%
Oui 10.5% 13.1% 3.3% 19.7% 7.9% 8.7%
2 82.6% 78.2% 89.7% 73.9% 89.0% 82.3%
Ne sais pas 0.1% 0.3% 0.0% 0.2% 0.1% 0.1%
Source: afrobarometer.org.

Dans ce contexte de nouveaux modes d’expression et d’action politiques11, nous sommes dans une situation dialectique, où l’engagement politique se nourrit et se renforce avec ces nouveaux canaux de communication, tout en créant de nouvelles formes d’expression et d’action politique. Cette situation produit des effets dans le champ politique africain (Bimber 1998). Comme précisé plus haut, nous faisons une distinction entre les acteurs politiques classiques et ceux que nous appelons informels. À côté des acteurs classiques, de nouveaux émergent dans une situation que nous appelons paradoxale. En ce sens qu’ils influencent considérablement le jeu politique mais ne sont pas constitués institutionnellement dans le format prévu pour les luttes politiques. De plus, les moyens utilisés pour influencer le jeu politique semblent parfois dévier de ceux envisagés dans ce milieu. Par exemple, proposer des idées qui peuvent être prises en compte dans le champ politique, influencer les débats politiques et même les luttes de pouvoir contribuent à les transformer en acteurs politiques. Plusieurs facteurs interfèrent pour faire des jeunes d’Afrique de l’Ouest ce que nous appelons des “acteurs politiques informels”.

Les réseaux sociaux sont un cadre pour l’expression politique et pour sa production elle-même. Par sa nature, Internet permet la création de groupes d’intérêts diversifiés entre des personnes géographiquement distantes mais qui peuvent, à travers ce canal, constituer un groupe virtuel d’échange d’opinions (Blondeau et Allard 2007 ; Van Laer et Van Aelst 2010). Ces groupes, de nature et de durée variables discutent des idées, parfois politiques, qui s’exprimant d’abord «virtuellement», peuvent cependant par la suite trouver des applications concrètes dans le monde réel.

Ces interactions entre le milieu virtuel et celui réel sont rendues possibles par certains facteurs. Le monde virtuel, dans le contexte des États d’Afrique de l’Ouest francophone, concerne principalement une petite élite, notamment celle scolarisée et majoritairement jeune. Toutefois, bien que minoritaire, cet univers est très bien inséré au sein de la société, à travers les brassages d’informations et de personnes qui s’effectuent entre le monde virtuel et le monde réel, brassage facilité par les intervenants eux-mêmes. Les sujets débattus dans le monde réel y sont transférés et vice-versa. La facilité de communication est encore rendue possible grâce aux mécanismes de traductions en langues locales opérés au sein des médias classiques, qui puisent souvent dans le monde du virtuel des sujets de leurs présentations. Au regard de la faiblesse des institutions de sondage d’opinion, les réseaux sociaux constituent parfois le baromètre de la situation politique dans ces États, en ce sens qu’ils reflètent souvent les principaux sujets d’actualités politique. Mieux, comme précisé plus haut, le monde virtuel parvient souvent à imposer un sujet politique aux différents protagonistes politiques.

Face à cette situation, le système politique classique tente de se rapprocher de ce milieu. En effet, les dirigeants politiques de toutes les générations intègrent désormais les réseaux sociaux dans leurs modes de communication. La perspective d’infiltration ou de tentative de contrôle de ce micro-univers est même envisagée par les protagonistes politiques. En effet, en plus de s’y afficher, des leaders politiques, ou même d’opinion, tentent de se constituer une sorte de “garde virtuelle”, composée essentiellement d’activistes acquis à leur cause qui se présentent sur la toile comme de véritables mercenaires, à la solde de leurs mandants. Ces activistes sont tout aussi des jeunes recrutés pour intervenir sur la toile, tout comme la majorité des intervenants de ce milieu. La constitution et le renforcement de ce micro-univers contribuent inéluctablement à lui conférer un rôle politique certain et subséquemment à mettre en évidence une influence politique certaine des jeunes. Cette influence politique porte sur le champ politique classique et non sur les stratégies individualisées des protagonistes. Nous ne prétendons pas que les acteurs en lutte pour le pouvoir n’investissent pas ce milieu dans des visées stratégiques. Nous soulignons simplement l’influence de ce milieu virtuel pris dans son ensemble dont le contrôle complet semble échapper aux protagonistes politiques. Les réseaux virtuels, comme expliqué plus haut, présentent leurs propres caractéristiques qui semblent différentes des autres canaux de communication. Ces structures sont difficiles à contrôler et ce fait peut renforcer ou affaiblir les acteurs politiques voire conduire à la constitution d’un espace politique autonome.

Un espace politique “autonome”, en cours de formation ?

La situation décrite plus haut semble renforcer la production d’une opinion suffisamment critique, difficile à surmonter par les acteurs politiques classiques. Compte tenu de leur position politique, selon qu’ils luttent pour le pouvoir d’État ou pour sa préservation, ils peuvent parfois être affaiblis ou renforcés par une opinion qu’ils essaient de contrôler, sans y parvenir toujours. C’est cette marge d’échec qui illustre la singularité du contexte actuel, d’autant plus que cette production d’opinion s’est émancipée d’eux et tend à se renforcer, plus que par le passé. Au point de conduire au développement d’initiatives d’accommodement, comme expliqué plus haut, chez les acteurs politiques classiques, face aux difficultés qu’ils rencontrent pour contrôler cette arène.

La particularité de ce nouveau contexte semble résider dans le renforcement substantiel des éléments – et de leur cadre d’action – qui refusent de s’inscrire en tant qu’acteur politique conventionnel. Leur capacité d’influencer le jeu politique est suffisamment importante de nos jours. En effet, comme précisé plus haut, ce micro-univers peut faire ou défaire des leaders politiques, influencer des décisions politiques12, etc.

Ce milieu, où de nombreux jeunes s’y reconnaissent, semble avoir sa singularité. En effet, il nous semble plus adapté de parler de processus de constitution d’espace politique autonome. Nous parlons de processus et à ce stade, plusieurs raisons permettent cette observation. Cet univers semble se détacher de celui du champ politique classique, dont il se présente, tantôt comme l’antithèse, tantôt comme une alternative. Par ces caractéristiques, il permet de fédérer un ensemble de groupuscules ou de personnes qui soient sont déçus du jeu politique classique, soit sont à la quête d’une autre méthode d’affirmation publique ou politique. Ces aspects semblent particulariser ce micro-univers qui présenterait une spécificité propre, distincte du milieu politique classique. Cependant, en étant appréhendé comme un univers antagoniste de celui du milieu politique classique, ce micro-univers semble se présenter comme l’antithèse du champ politique classique, son opposé.

On aurait pu parler simplement de milieu ou univers de la société civile. Faut-il le rappeler, ce concept fait l’objet de controverses doctrinales, aussi bien pour sa définition, que pour sa réalité (Loada 1999 ; Otayek 2009). Si ce micro-univers s’encastrait simplement dans un rôle de veille ou de contre-pouvoir, il pourrait s’agir d’un corps de la société civile. En effet, comme le souligne Etemadi Nasser, dans des situations difficiles, on peut observer « la formation d’un ensemble inédit d’efforts et de résistances, qui, au nom de la société civile, s’engage dans des pratiques d’émancipation, que ce soit contre les États autoritaires ou les effets dualisants de la libéralisation économique » (Nasser 2000). Les manifestations de ce micro-univers semblent s’inscrire dans cette dynamique. Toutefois, la réalité montre que ce milieu va au-delà de ce rôle, pour perturber substantiellement le jeu politique classique. Par sa force actuelle, il tend à reconfigurer le champ politique en déstabilisant les acteurs politiques classiques qui voient leurs méthodes traditionnelles de luttes politiques mises en difficulté. En effet, ils se trouvent dans une situation paradoxale où ils doivent rivaliser avec des acteurs – et leur micro-univers – qui ne poursuivent pas nécessairement les mêmes objectifs qu’eux, à savoir la conquête et l’exercice du pouvoir d’État. Ce micro-univers intervient dans l’exercice du pouvoir d’État pour perturber les jus et pratiques, sans pour autant être constitué comme un acteur politique, au sens classique du terme. Nous ne prétendons pas que ces acteurs “paradoxaux” sont libres de tout lien ou connivence avec des groupes classiques ou des partis politiques. Ces derniers tentent également d’avoir des relais dans ces milieux, qui souvent, se présentent publiquement comme apolitiques ou acteurs de la société civile, même si la réalité pourrait être nuancée, quelque fois.

Sous cette forme, les deux univers – “politiques”, classique et nouveau – semblent assez incompatibles, chacun disposant de mécanismes propres de fonctionnement et parfois poursuivant des objectifs diversifiés.

Le micro-univers en cours de constitution pourrait également être perçu comme un milieu autonome, rival du champ politique classique. Dans cette logique, les objectifs des deux univers pourraient être similaires et ils ne se différencieraient que dans leur mode de fonctionnement. C’est là où cet espace, paradoxalement, semble présenter des liens de connexions avec le champ politique classique, du fait qu’il puisse constituer une anti-chambre pour des personnes qui éprouveraient des difficultés à s’affirmer dans le second milieu. Dans ce cas, ce serait par exemple par défaut que ces personnes s’inscriraient dans ce micro espace, en attendant des perspectives meilleures pour un retour dans l’univers convoité, le champ politique classique. Toutefois, appréhender ce milieu comme l’anti-chambre du champ politique classique serait assez discutable, surtout si l’on se focalise simplement sur certains intervenants de cet espace qui n’y seraient que par défaut, faute d’avoir pu s’affirmer dans le milieu classique. En effet, d’autres intervenants de ce micro espace y sont, beaucoup plus du fait de leur désapprobation des dynamiques qui animent le système politique classique. Cette attitude peut être appréhendée principalement lorsqu’il s’agit de basculer complètement dans les “luttes politiciennes”, laquelle perspective suscite des réprobations des membres de ce micro-univers. En effet, ceux qui franchissent le pas perdent leur côte de crédibilité dans ce milieu. Sous cet angle, l’espace politique dans lequel ils s’inscrivent semble autonome, distant du champ politique classique.

Cet espace politique constitue-t-il pour autant une autre composante du champ politique classique ? Cet espace semble se constituer en réaction ou en marge des dynamiques politiques classiques. Il influence ce système politique classique, lequel tente de l’absorber ou de s’en accommoder. Cette inter-action nous semble présenter les traits d’un champ politique caractérisé par les luttes de pouvoir. Cet espace se retrouve donc dans le champ de luttes de pouvoir dans ces États. Mais il semble présenter une particularité car des membres s’y inscrivent, tout en abhorrant le système politique classique, comme nous venons de le préciser.

Conclusion

Des facteurs importants comme la démographie influence le champ politique dans des États de l’Afrique de l’ouest francophone. Cette variable doit être suffisamment prise en compte dans toutes les analyses prospectives concernant l’évolution de ces États. Pour nous, la configuration actuelle du champ politique est en mutation du fait du facteur démographique, corrélé à d’autres comme l’imposante offre médiatique et le rehaussement du niveau d’instruction. Le format et les dynamiques du champ politique dans ces États s’en trouveront modifiés, dans le moyen et long terme.

Les tentatives des acteurs du système politiques classiques présentent des limites, telles que nous l’avons démontré. Cependant, les dynamiques de ces inter-actions sont réelles et on semble en présence d’un jeu de rivalité dont l’issue pourrait présenter trois scénarii. Elle peut déboucher dans une domination des acteurs du jeu politique classique qui ferait disparaître complètement cet espace gélatineux en cours de formation. Cette rivalité peut s’achever aussi par le renversement de la domination, au profit des intervenants dans cet espace politique autonome. Cette perspective semble très hypothétique car ce bouleversement du rapport de force induit une politisation extrême de ce champ relativement autonome, lequel justement semble rejeter cette perspective de basculement dans les luttes de pouvoir pour des postes électifs. Enfin, la résultante pourrait être un compromis entre le système politique classique et cet espace politique autonome en cours de renforcement. Il semble que la dernière possibilité soit déjà une réalité, du fait même que les inter-actions entre ces deux espaces produisent des échanges, des façonnements ou re-façonnements des différents intervenants dans ces espaces. Des travaux beaucoup plus avancés pourront nous instruire davantage sur cet espace politique qui semble tout à la fois réel mais tout aussi insaisissable.

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Vedel, Thierry. « Chapitre 5 – L’internet et la démocratie : une liaison difficile », dans Pascal Perrineau éd., La démocratie de l’entre-soi. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), 2017, p. 73-88.


  1. Ce projet était appréhendé, par exemple par le mouvement Y en a marre comme une tentative de positionner son fils Karim Wade comme vice-président

  2. Voir www.un.org (consulté le 10 juin 2018) Cette approche présente l’avantage d’éviter les pièges inextricables des conceptions psycho-sociales de ce concept

  3. La moyenne du nombre de personnes qui font toujours “très confiance” aux autorités religieuses, suivant les données afrobaromètre de 2016 à 2018, est de 60,1% dans l’ensemble des pays comme le Mali, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin. Ce chiffre est de 50,1% en ce qui concerne les autorités coutumières dans l’ensemble de ces pays.

  4. Nous ne soutenons pas que tous les leaders fussent jeunes, mais la moyenne d’âge présentait cette réalité

  5. Cependant, il subsistait encore des liens étroits entre les autorités traditionnelles et les nouvelles autorités au pouvoir. Parfois, cette coopération pouvait se muer en des relations difficiles, dans des cas de rivalités pour le pouvoir d’État.

  6. Avec l’accession au pouvoir de jeunes révolutionnaires en 1983

  7. Voir tableau, p. 18

  8. Un peu plus haut, nous avons par exemple parlé de poids de certains acteurs influents dans le jeu politique des États d’Afrique de l’Ouest francophone, notamment les autorités coutumières et religieuses. Cette situation ne présente pas d’équivalence dans le monde occidental.

  9. La tranche d’âge de 30 à 35 n’est pas disponible dans les données de cette enquête

  10. Le continent compterait près de 281 millions d’internautes en 2017, pour un taux d’accès moyen d’à peine 23%. Toutefois, ces chiffres sont en nette progression. Lire par exemple www.jeuneafrique.com (consulté le 20 juillet 2018). Pour des données par pays, voir par exemple : www.journaldunet.com. Consulté le 21 juillet 2018

  11. Notamment les mouvements protestataires informels et le développement des réseaux informels qui s’intéressent à des sujets politiques

  12. Au Burkina Faso, par exemple, en 2016, une polémique liée à une donation par le gouvernement des tablettes à des parlementaires a éclaté tout d’abord sur les réseaux sociaux, avant de gagner le milieu des autres médias. Cette polémique a abouti au retrait de cette donation.

Abstract:
Can we understand the fundamental dynamics of political change in some States on the African continent? Similar attempts exist and I have tried to understand them. By focusing on macro-social data, particularly young people – taken from a demographic perspective – I have tried to present its impact on the political field in West African French-speaking States. The demographic weight of young people, combined with some major factors, influences the political field of these States. The result is a reconfiguration of the strategy sets, but also the emergence of a gelatinous form of relatively autonomous political space. This space oscillates between autonomy and fusion with the classical political space.

Keywords:
Francophone West Africa; Young People; Political Generations; Political Field; Political Domination; Political Mutations; Crisis of Political Representativeness; New Forms of Political Expression; Social Networks; Social Seniors; Social Juniors.

 

Résumé:
Pouvons-nous appréhender les dynamiques profondes de mutations politiques de certains États du continent africain ? Des tentatives similaires existent et nous nous y sommes essayé. En nous focalisant sur une donnée macro-sociale, notamment les jeunes – pris sous l’angle démographique – nous avons tenté de présenter son impact sur le champ politique dans des États d’Afrique de l’Ouest francophone. Le poids démographique des jeunes, combiné à certains facteurs majeurs, influence le champ politique de ces États. Il en résulte une reconfiguration des jeux de stratégies, mais aussi une émergence d’une forme gélatineuse d’espace politique, relativement autonome. Cet espace oscille entre autonomie et fusion avec l’espace politique classique.

Mots-clés:
Afrique de l’Ouest francophone; Jeunes; Générations politiques; Domination politique; Changements politiques; Crise de la représentativité; Nouvelles formes d’expression politiques; Réseaux sociaux

 

Recebido para publicação em 04/12/2018
Aceito em 11/12/2018.